La guérison, cette quête intemporelle de soulagement et de rétablissement, continue de défier la compréhension humaine, même à l’ère de la médecine moderne. Lorsque nous scrutons les rouages complexes de la santé, nous réalisons que le mystère de la guérison persiste, défiant les limites de notre savoir scientifique.
Bien que la médecine moderne ait fait d’énormes progrès, elle reste parfois perplexe face à certains aspects de la guérison. Les chercheurs et les professionnels de la santé reconnaissent volontiers que l’étendue de la complexité biologique et psychologique qui sous-tend le processus de guérison dépasse souvent nos capacités de compréhension actuelles.
De plus, la variabilité individuelle dans les réponses aux traitements médicaux demeure un défi majeur. Ce qui fonctionne pour un patient peut ne pas être efficace pour un autre, même présentant des symptômes similaires. Cette diversité de réponses souligne la complexité inhérente à la compréhension de la guérison, tant au niveau physiologique que psychologique.
Enfin, on connaît l’impact de l’esprit sur la guérison, ce qui a fait dire à certains, que l’esprit humain était à la fois le plus grand malade et le plus grand médecin. Les exemples de guérisons quasi miraculeuses existent toujours, prouvant s’il le fallait, que la profilaxie seule ne pouvait pas être désignée comme unique responsable d’une rémission ou d’une guérison. La psychothérapie existentielle1 et la salutogénèse2 apportent des débuts de réponses à ces mystère en expliquant que la guérison était autant le résultat d’une inclination spirituelle et philosophique qu’une affaire de chimie et de physiologie. D’ailleurs, les médecines traditionnelles intègrent toutes ces dimensions plus qu’humaines dans l’accompagnement des malades, en prescrivant autant de méditations, de réflexions et de démarches mentales que de produits, remèdes et hygiènes en tous genres. Et au-delà des démarches mentales et psychologiques, elles ouvrent à la compréhension que la guérison contient une dimension divine, ineffable et incommensurable que l’esprit humain ne pourra jamais cerner conceptuellement. Le divin ici ramène à l’idée d’une dimension supra-sensible ou, pour parler en bouddhiste, inconditionnée, c’est-à-dire qui ne peut ni être cernée par l’expérience sensorielle et mentale humaine, ni être reliée à des causes et conditions concrètes. C’est dans cette perspective que nous explorerons les pratiques de guérison d’Asclépios, le dieu grec de la médecine, et du Bouddha de médecine dans la tradition orientale et verrons comment chaque tradition avec ses spécificités à recours à des “visions de la guérison” pour engendrer un rétablissement complet.
Asclépios : La Médecine Antique Grecque
Dans le panthéon grec, Asclépios, fils du dieu Apollon et de la mortelle Coronis, se distingue en tant que divinité guérisseuse. Sa naissance est marquée par une tragédie, Coronis perdant la vie en raison d’une trahison. Cependant, Apollon sauve l’enfant à naître, Asclépios, de la mort imminente. Élevé par le centaure Chiron, Asclépios développe rapidement des compétences médicales exceptionnelles.
Asclépios n’est pas seulement le guérisseur divin de la Grèce antique, mais il incarne également le lien entre la maladie et la guérison, une notion quasi homéopathique. La maladie était vue comme d’origine divine et ne pouvait être guérie que par une intervention divine, préfigurant ainsi le principe homéopathique “similia similibus curantur3”. Ainsi, le dieu Asklepios était à la fois la maladie et le moyen de guérison, et cette conception était considérée comme un véritable art de guérir dans l’Antiquité.
Le serpent, symbole de renouveau et de régénération, est souvent associé à Asclépios. La légende raconte que lorsqu’il tuait un serpent, un autre apparaissait pour lui rendre la vie. Cette symbolique évoque la dualité inhérente à la médecine antique grecque : la maladie et la guérison sont intrinsèquement liées, comme les deux faces d’une même pièce.
La renommée d’Asclépios en tant que guérisseur se propage rapidement. Les temples qui lui sont dédiés, appelés des asclépiades, deviennent des centres de guérison où les individus cherchent réconfort et remèdes. Les pèlerins affluent, cherchant non seulement des remèdes physiques, mais aussi des réponses spirituelles à leurs maux. C’est dans ce contexte que l’incubation, une pratique où les patients passent la nuit dans le temple dans l’espoir de recevoir des visions curatives, prend tout son sens.
Carl Alfred Meier4, disciple de Jung, à travers ses recherches approfondies, a mis en lumière l’importance de l’incubation dans la médecine antique grecque. Les pèlerins, dans un état de réceptivité accru, entraient dans un sommeil sacré, cherchant des réponses dans leurs rêves. Asclépios apparaissait souvent dans ces visions, offrant des conseils ou prescrivant des traitements. C’était une expérience où la frontière entre le divin et le médical s’estompait, soulignant la conviction en la nécessité de traiter l’esprit autant que le corps.
Voici un passage éclairant des Discours Sacrés d’Aelius Aristide5 qui décrit parfaitement l’expérience visionnaire telle qu’elle était pratiquée. Le dieu lui prescrit de se plonger dans le fleuve qui coule devant la ville et de s’y laver, le fleuve étant glacé à cette époque :
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Santé & Sagesse L'Infolettre pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.